
Pascal Chalier
Architecte chez Antonini Architecte Associés

Anthony Roubaud
Architecte chez Roubaud Architectes

Jean-Baptiste Aurel
Fondateur de Woodenha Industries

François Troufflard
Chargé de prescription bois & dérivés chez Woodenha
La Résidence Espacil Marguerite Duras à Saint-Denis (93) livrée en 2013 est l’un des premiers projets de bardage de grande importance pour Woodenha Industries.
Ayant suivi régulièrement le projet depuis 12 ans, nous retournons à la résidence étudiante qui s’est bien comportée dans le temps. À l’époque, les obligations de déflecteurs et le guide « Bois et propagation du feu par les façades » n’étaient pas encore publiés. Si encore aujourd’hui les prérogatives ne sont pas claires pour tout le monde, imaginez la compréhension de ce sujet complexe il y a plus de 15 ans !
Nous avons eu la chance de pouvoir interviewer deux architectes qui ont participé au projet : En décembre 2024 Pascal Chalier de chez Antonini architecte associés et en mai 2025, Anthony Roubaud de chez Roubaud architecte.
Lors de l’échange avec Monsieur Roubaud, Jean-Baptiste Aurel, fondateur de la société Woodenha Industries a participé à la discussion.
François Troufflard : Vous êtes en 2009, comment s’est déroulé l’appel d’offres à la maitrise d’œuvre chez Antonini architecte associés (anciennement Antonini Darmon architectes) ?
Pascal Chalier : Cela date, nos structures ont bien changé aujourd’hui. Espacil Habitat, le maitre d’ouvrage avait été choisi comme titulaire du terrain par l’aménageur de la ZAC Belair à Saint-Denis.
L’appel d’offres ne s’est pas fait sur un concours de maitrise d’œuvre traditionnel. La compréhension du site et le montant des honoraires ont été évalués dans un premier temps, puis par la suite, l’image du projet s’est décidée avec Espacil, le maître d’ouvrage bailleur. Nous avons travaillé avec le bureau d’études BETOM pour remporter le concours.
François Troufflard : Vous êtes en 2009 – 2010, Pourquoi avoir intégré du bois en façade ?
Pascal Chalier : C’étaient les prémices, il n’y avait pas la notion carbone ou la nécessité de biosourcés. Avant même la question du bois, il y avait des éléments primordiaux à prendre en compte pour la façade. On a voulu sortir de cet aspect monolithique de la façade grâce à des ouvertures groupées. Nous sommes dans un endroit mixte avec à côté, un tronçon autoroutier et des pavillons, il nous fallait cette écriture avec une certaine épaisseur un certain volume avec une profondeur détaillée et remarquable, ce que le bois permet.
En effet ce matériau s’y prêtait bien, car chaleureux pour les habitants et pour le quartier. Les maîtres d’ouvrages ont été investis, toujours avec des questionnements qui sont d’ailleurs, récurrents à propos du bois en façade ; il a fallu les rassurer ! L’interlocuteur chez Espacil, Philippe Pelhate, nous a laissé effectuer notre travail de maitre d’œuvre et les échanges ont été très constructifs, que ce soit sur le choix du matériau ou sur les notions de sécurité incendie.
Il se déplaçait avec nous pour rencontrer le groupe préventionniste du SDIS.
Ce projet a été réalisé dans un contexte d’écoute de toutes les parties prenantes.
François Troufflard : À quel moment êtes-vous rentré en contact avec Woodenha Industries ?
Pascal Chalier : Cela s’est défini entre le permis de construire et la phase PRO. Voir avec Anthony Roubaud pour la prise de contact.
François Troufflard : Pourquoi avoir choisi une teinte naturelle (beige) du bois ?
Pascal Chalier : Pour le coup on a voulu être fidèle avec la teinte montrée lors du concours. Le retour d’expérience sur d’autres projets, nous a montré que l’apparence du bois avec un aspect naturel peut être maintenue dans le temps.
François Troufflard : Quelle est l’entreprise de pose du projet ?
Pascal Chalier : Isore Bâtiment a posé le bardage.
François Troufflard : Comment se sont passé les échanges entre Woodenha Industries et votre agence et que pensez-vous après plus de 10 ans de vieillissement ?
Pascal Chalier : Il y a beaucoup d’échanges concernant les essais de teintes. Une des choses complexes, c’était de garder l’aspect bois naturel où on voit les fibres. La teinte des échantillons était un peu recouvrante, mais on a pu remarquer qu’avec le temps, la finition est devenue plus translucide et on est tombé sur l’aspect désiré initialement.
On est satisfait de ce résultat, on voit que le bardeur (Isore Bâtiment) a fait très bien son travail. Peu de coulures, le résultat est top !
C’est quand même un bon retour d’expérience, cela montre que le bois en façade n’a pas forcément besoin d’un entretien sur 10 ans s’il est bien posé.
Interview avec Anthony Roubaud.
François Troufflard : Vous êtes en 2009 – 2010, Pourquoi avoir intégré le du bois en façade ?
Anthony Roubaud : Cela n’a pas été une direction prise immédiatement.
Nous devions répondre à plusieurs questions techniques : obligation règlementaire concernant le bruit, la problématique urbaine avec un terrain triangulaire. Au début de l’esquisse on est parti sur cette conception. On a été confronté à une façade répétitive et répondre avec une qualité de matériau. Le mariage entre deux matériaux différents, bois chaud et des panneaux d’aluminium intemporels ont livré une bonne solution. Pérennité sur le rdc dans l’alu.
Jean-Baptiste Aurel : L’aluminium a bien réagi : de bonne qualité et bien protégé car avec les bois acides comme le douglas, les interactions peuvent être nombreuses… Cela aurait pu blanchir, et là ça a bien fonctionné, pas d’interaction entre les matériaux. La gestion du drainage de la façade, des retours de menuiseries ont été bien conçus.
Anthony Roubaud : Les bavettes en recouvrement marchent bien, même sur les hexagones. C’était un premier chantier avec du bois. Le mariage bois et alu a suggéré pas mal d’interrogations, notamment sur la tenue dans le temps.
Le maître d’ouvrage a aimé l’architecture et a exigé des réponses., le directeur de la construction n’a pas tourné autour du pot : « On peut vous accompagner, mais justifiez vos choix ! » L’architectes de la ZAC et la ville ont aussi exigé une pérennité du bois.
Il est possible que ce bâtiment ait participé à faire accepter 6-7 ans plus tard l’implantation du bois sur les bâtiments des JO à Saint-Denis.
François Troufflard : Quand avez-vous contacté Woodenha et comment se sont passés les échanges ?
Anthony Roubaud : À l’agence, confronté à ce genre de problème, on se tourne vers le réseau et sur internet. Au début on ne connaissait pas Piveteaubois, ni Woodenha. Le fait que la prestation ne soit pas globale a été aussi nouveau. Lorsque l’on est en dehors de ses habitudes, il faut aller au bout et agir en profondeur.
Avant Woodenha, nous avons échangé avec un amoureux du sujet., et maitrisant la préservation et le vieillissement du bois que l’aspect industriel. Il nous a permis d’appréhender les sujets de l’incendie et de la réglementation lors du dépôt de PC.
Jean-Baptiste Aurel : Chez Woodenha, on a eu beaucoup de questions. C’était la première fois qu’on était sur un bâtiment d’une telle dimension en logements collectifs. Du coup, il y avait plein d’enjeux concernant la teinte, l’intégration dans le paysage. Des réticences sur l’opacité de la teinte, qui finalement se sont atténuées dans le temps.
Anthony Roubaud : Ce qui est intéressant, c’est de se dire qu’aujourd’hui nous avons le retour, mais à l’époque ce n’était pas évident même pour vous. C’était quelque chose de novateur.
Jean-Baptiste Aurel : D’ailleurs nous avons fait des essais spécifiques au faux claire-voie au FCBA grâce à ce bâtiment car nous n’avions pas le rapport de classement, c’était le premier projet. Les échanges se sont bien passés.
Anthony Roubaud : C’est grâce nos échanges que nous avons choisi le profil faux claire-voie Vibrato de chez Piveteau, à l’origine nous étions en claire-voie. En effet le terme « faux » claire voie n’était pas connu et semblait assez négatif (rire).
Jean-Baptiste Aurel : Les échanges avec les interlocuteurs de chez Isore et Piveteau ont été constructifs et le résultat le fruit d’un travail collectif.
Anthony Roubaud : Avec le maître d’ouvrage, très présent dans le discours et dans les négociations qui sont restées très humaines, ce que nous n’avons pas toujours sur les projets. En somme, c’est un très bon souvenir ! D’ailleurs, la politique d’Espacil c’était avant tout la pérennité de l’ouvrage.
François Troufflard : Faites-vous souvent des RETEX (retour d’expérience) comme celui-ci ?
Anthony Roubaud : À l’époque c’était un beau projet, c’est agréable de le voir vieillir, on retrouve la relation bien ancrée avec le bâtiment respectant le dessin initial et de voir que les matériaux ont bien tenu. C’est un bâtiment pourtant très sollicité, que ce soit proche de l’autoroute ou par ses habitants, mais qui tient bien dans le temps.
On a le sentiment, que la façade peut encore tenir plusieurs années.
Jean-Baptiste Aurel : Le bâtiment continue de s’intégrer dans son quartier, il ne fait pas pâle figure, comme certains bâtiments bois qui ont été mal conçus et ou réalisés. La pose a été particulièrement bien conduite et ça se voit aujourd’hui !
Anthony Roubaud : Surtout sur des bâtiments bois de cette époque, où tous n’ont pas été soignés de cette manière-là. On voit la différence avec certains bâtiments qui ont mal vieilli et qui sont plus jeunes que la résidence Marguerite Duras.
Jean-Baptiste Aurel : Oui, on a vu des mairies de villes tirer à boulets rouges sur le matériau bois comme Bordeaux et Lyon avec respectivement les quartiers Ginko et Confluence qui présentent des exemples ayant mal vieilli. Ces écueils peuvent être évités et c’est dommage, la résidence Marguerite Duras en est l’illustration !
Anthony Roubaud : Oui en somme, il faut une volonté commune à tous les niveaux et un dialogue sain pour pouvoir assurer une pérennité de l’ouvrage. Bravo à vous !
Jean-Baptiste Aurel : Bravo à nous tous, oui !
Anthony Roubaud : Oui , on a chacun nos rôles dans les projets, et l’architecte n’est pas compétent à tous les niveaux. Il faut faire confiance aux industriels et aux entreprises. Il faut faire face à des gens de bonne volonté et de bonne foi surtout quand on avance à l’aveugle avec ce type de projet.
Jean-Baptiste Aurel : Oui il faut présenter de la performance et pas du rêve !
Anthony Roubaud : Oui et de l’humilité surtout !
La résidence étudiante Marguerite Duras à Saint-Denis, livrée en 2013, constitue aujourd’hui un exemple marquant de projet en bois ayant bien traversé le temps.
Douze ans après sa livraison, les retours d’expérience des architectes Pascal Chalier et Anthony Roubaud, ainsi que de Woodenha Industries, mettent en lumière la réussite collective d’un projet pionnier, à une époque où les réglementations et les pratiques autour du bois en façade étaient encore mal appréhendées.
Ce bâtiment illustre la pertinence d’un choix architectural réfléchi, fondé sur la qualité des matériaux, la collaboration étroite entre les acteurs, et une écoute active des contraintes urbaines, techniques et réglementaires.
Le mariage entre bois et aluminium, la qualité de la pose, la durabilité, et l’intégration réussie dans le quartier démontrent qu’un projet bien conçu, bien exécuté et porté par une volonté commune avec un dialogue sain peut offrir des résultats durables et esthétiquement cohérents dans le temps.
En somme, la résidence Marguerite Duras témoigne de la maturité possible des produits de construction en bois, et reste un modèle inspirant pour les futurs projets de logements collectifs, alliant innovation, responsabilité et pérennité.